Institut de la CAD — Recommandations sur la politique de défense

Institut de la CAD

Les Canadiens ne vivent plus dans un environnement sûr et prévisible. En effet, nous assistons à l’effondrement spectaculaire des fondements de l’ordre international fondé sur les règles, sur lequel nous avons basé notre sécurité nationale au cours des quatre-vingts dernières années. Cela inclut des menaces directes à notre souveraineté de la part du président des États-Unis, chose qui était littéralement impensable il y a quelques mois.

L’image que nous nous faisions d’une maison à l’épreuve du feu, loin des matériaux inflammables, a volé en éclats. Notre penchant pour la « puissance douce » doit évoluer vers une compréhension claire de la puissance comme quelque chose de « dur » et vers le recrutement de tous les instruments de la puissance nationale au service de nos intérêts nationaux vitaux. La nouvelle réalité à laquelle tous les Canadiens sont confrontés exige que nous réévaluions nos hypothèses en matière de sécurité nationale, que nous envisagions une série de scénarios potentiels auxquels nous pourrions être confrontés et que nous élaborions des options d’investissement et d’alliance qui atténueront les risques et nous donneront de la souplesse, de l’autonomie et de la résilience. Faire moins serait faire preuve d’irresponsabilité.

Deux facteurs matériels doivent être pris en compte dans ce calcul. Le premier est la géographie. Le second est l’urgence.

Le Canada est évidemment un pays nord-américain et une nation arctique. Quelle que soit la voie que nous choisissons en réponse aux changements de politique à Washington, Moscou ou Pékin, les États-Unis resteront notre voisin le plus proche et nous n’aurons pas d’autre choix que de traiter avec eux. Pour cela, nous devons faire preuve de modération dans notre rhétorique, distinguer soigneusement le signal du bruit et prendre des décisions résolues qui garantissent des avantages à long terme pour le Canada et les Canadiens. En même temps, nous devons continuer à exiger de nos alliés et adversaires un respect mutuel de notre souveraineté, de notre histoire, de notre culture et de nos aspirations nationales, tout en leur accordant ce même respect.

Compte tenu de la rapidité déconcertante des événements, l’urgence d’un tel projet national n’a pas été aussi pressante depuis la Seconde Guerre mondiale. La dépendance passée au parapluie nucléaire américain, combinée à l’apparente stabilité et au consensus autour de l’ordre international fondé sur des règles, a permis aux Canadiens de repousser indéfiniment la discussion et l’acquisition de matériel de défense essentiel. Il y avait toujours du temps pour se mobiliser dans un avenir flou, mais fondamentalement inchangé.  Comment un pays pourrait-il autrement intégrer dans sa culture et mythologie nationale une vision aussi ambivalente de sa défense et de sa base industrielle de soutien, tout en sous-finançant perpétuellement sa sécurité nationale ?

Ces circonstances ne sont plus d’actualité. La vérité est que la vitesse d’invasion dépasse la vitesse d’approvisionnement ; la guerre en Ukraine a enseigné cette leçon au monde entier. Il n’y a tout simplement plus de temps pour hésiter. Les Européens nous ont récemment montré qu’il était possible de surmonter une culture politique lourde de processus et peu encline à prendre des risques, et d’accélérer la prise de décision et la passation de marchés lorsque l’on est confronté à une menace indéniable. En cas d’urgence nationale, les Canadiens ont toujours fait preuve de courage ; c’est le cas aujourd’hui, et il ne fait aucun doute que les Canadiens se montreront à la hauteur des défis actuels.

Afin de transformer la rhétorique en solutions pratiques et de maximiser le potentiel de renforcement de la défense canadienne et de contribution à la sécurité à long terme de l’Amérique du Nord, les recommandations suivantes sont soumises à l’examen de tous les candidats à un mandat fédéral :

  • S’engager à augmenter immédiatement les dépenses de défense à deux pour cent du PIB – comme plancher – en reconnaissant explicitement que l’objectif est de continuer à augmenter jusqu’à trois ou quatre pour cent, au fur et à mesure que le réarmement européen s’accélère et fournit un exemple salutaire à imiter, et que la situation géopolitique l’exige ;
  • Accélérer immédiatement tous les aspects de la modernisation du NORAD – par exemple, la saison de construction dans l’Arctique est très courte, il faut donc que les travaux de terrassement commencent tout de suite ;
  • Doubler la commande d’avions de combat de cinquième génération. Si la décision politique est prise d’annuler ou de réduire l’acquisition des F-35 et d’acheter un avion de combat européen, il convient d’orienter immédiatement cette acquisition et d’enregistrer dès que possible une commande pour les 150 à 200 avions de combat dont nous aurons besoin ;
  • Étudier la possibilité de participer au programme aérien de combat global de sixième génération entre le Royaume-Uni, le Japon et l’Italie ;
  • Doubler la commande d’avions de patrouille maritime à long rayon d’action ;
  • Commander un troisième JSS pour que la MRC dispose de la capacité de réapprovisionnement apte au combat dont elle aura besoin pour assurer sa persistance et sa létalité ;
  • Finaliser le choix du sous-marin le plus rapidement possible et ne pas se laisser entraîner dans une « canadianisation » longue et coûteuse d’un sous-marin éprouvé qui fonctionne pour d’autres marines ;
  • Augmenter de manière significative nos investissements dans les systèmes stratégiques de surveillance aérienne et sous-marine sans pilote ;
  • S’engager à restructurer, développer, équiper et entraîner les forces terrestres régulières et de réserve de l’armée canadienne avec les capacités expéditionnaires modernes de combat identifiées dans la politique de défense actuelle et nécessaires pour remplir la contribution du Canada aux missions de dissuasion et de défense collectives de l’OTAN. Cela signifie qu’il faudra passer rapidement de l’« étude » à l’achat effectif d’éléments tels que l’artillerie moderne, la frappe de précision à longue portée, la défense aérienne, les chars de combat principaux, les contre-drones, le C5ISR et les munitions nécessaires à l’opérationnalisation de ces plateformes ;
  • Mettre en place une politique industrielle de défense cohérente, dans le cadre de laquelle chacune de ces décisions renforcerait la base industrielle canadienne sur laquelle tous les Canadiens s’appuient pour assurer leur prospérité et leur sécurité ;
  • Mettre en œuvre la profonde réforme des marchés publics nécessaire pour fournir des capacités dans les plus brefs délais.

 

Ces mesures doivent être prises rapidement et de manière décisive. Elles doivent également être prises comme des décisions souveraines fondées sur les intérêts nationaux du Canada. Aucune d’entre elles ne représente intrinsèquement une rupture avec notre relation profonde avec les États-Unis ; elles peuvent plutôt être considérées comme la diversification nécessaire de nos capacités de défense et comme une couverture dans un environnement où cette relation ne peut plus être considérée comme acquise. Elles doivent être considérées comme des étapes mûres vers une position plus sérieuse en matière de sécurité nationale et de statut d’État.

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